Jeux d’eau
~ Hommage aux Marées d’Angélique Boissière ~
Marées
est né par hasard, dans une atmosphère houleuse. La première séance se
déroule sur une plage, près de Pornic, en septembre 2014.
Falaises normandes, criques bretonnes, sables vendéens… Ces scènes ont ainsi rythmé quatre années de ma vie.
Marées est une jolie manière de revenir sur ces souvenirs amassés, et de tracer dans le sable le point final de cette aventure.
(Dans les coulisses de Marées, propos d’Angélique Boissière recueillis par Anne Rivière.)
*
Ils
disent que je suis aqueuse.
Aqueuse
est en leur bouche un mot tranchant car ils ne savent plus se baigner
nus, et pour mieux vivre, ils ont fait de ma nudité un défaut.
Ils
disent que je suis instable, que je vais et que je viens pour abolir
dès le lendemain l’ouvrage de la veille.
Par
moi pourtant furent accomplies des myriades de renaissances, mais
l’orgueil des enfants déborde : il leur cache jusqu’au
voile qui les aveugle. Ils crient si je tarde, ils crient si je me
montre froide, sans comprendre que leur cœur est abstrait de la
mesure du monde, et qu’ils ne lui commandent pas.
Ils
ne me commandent pas.
J’abreuve
et me retire avec ou sans eux : je les précède, leur survis,
et ma muette leçon n’a nul besoin d’être entendue. Je porte la
vie comme le sang maintient la leur. Je porte leur reflet et leur
négation, et ils ferment les yeux face au paradoxe. Leurs paupières
sont vides quand je suis le plein.
En
moi, la vérité pure, l’innocence dans ce qu’elle offre de
tendre et de cruel. En moi l’âpreté de l’hiver et la torpeur de
l’été, en moi nourriture, vie, repos, mort. Si l’on veut
m’aimer, que l’on me prenne pour ce que je suis, rien d’autre.
J’ondule, indifférente à la crainte et à l’admiration ;
je
suis, et cela doit nous être suffisant.
Il
est des âmes qui viennent à moi sans craindre cette nudité. Elles
s’écorchent les pieds à ma rencontre, restent accroupies au bord
de mes flancs, frissonnent sous mes embruns. Ainsi exposées,
vulnérables contre ma force, elle ont abandonné leur fardeau pour
mieux s’abreuver. Elles s’unissent en moi sans jamais se
confondre, deviennent paysage en observant mon portrait, et leur
unité grandit quand à travers elles je me fais multiple.
L’homme
les a appelées nymphes parce qu’il pensait que seul le divin était
capable de se montrer nu. Dieu est mort, et la vêture a pris sa
place, mais pas la mienne. Je reste là, au milieu de moi-même, au
milieu d’elles, insensibles au dédain que la marche du monde nous
porte,
à
nous autres aqueuses.
*
Quelques exemplaires de Marées sont encore disponibles. Si vous souhaitez vous en procurer un, contactez Angélique Boissière directement via son site Internet.
Je vous ai livré un peu plus haut la préface que j’ai rédigée pour ce livre, et je continue d’espérer qu’elle est à la hauteur des Marées. Je suis fière de les compter dans ma bibliothèque, pour le talent d’Angélique, la délicatesse et la force de ses modèles, le thème aquatique, évidemment.
N’hésitez pas à m’écrire vos impressions si vous avez pu avoir ces Marées entre vos mains, je serai très curieuse de vous lire.
La photo de couverture est assez puissante. Sinon, la série de portraits met très bien en valeur toutes ces femmes par la douceur de leurs lignes qui épousent parfaitement le décor composé de la plage, des rochers et de la mer. Féminité et nature sont en parfaite harmonie ! Votre très beau texte est le prolongement de cet hymne à la féminité, à la nudité et à la mer. Ludovic
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour votre commentaire ! Je suis vraiment heureuse que le livre vous ait plu.
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